Je fais ce que je veux?

Publié le par Jean von Roesgen

 Je ne fais pas ce que je veux, mais je veux faire ce qu'il faut pour faire au mieux.

 La question du chant grégorien n'est pas une question du j'aime ou j'aime pas, mais c'est un chant de conversion, un chemin de conversion que l'Eglise nous propose. Ce n'est pas équivalent de l'échanger par n'importe quel chant vernaculaire qui ne nous dérange pas, parce que nous entend(i)ons le même genre dans nos postes de radio... et qui n'a pas l'Ecriture Sainte comme support.
 Le chant grégorien, à la fois fascinant et terrifiant, attirant et répulsif, veut nous attirer ou pousser ailleurs, ou autrement dans le monde. En nous emmenant ailleurs, il nous oblige à quitter le connu et à affronter l'étranger.
 Ce chant vous convertit à force de le pratiquer. Il oblige et il tourne vers (dans) quelque chose que nous n'aimons pas à priori.
 Il n'est pas question de l'aimer ou de ne pas l'aimer, mais de s'agenouiller dedans (sich hineinknien) pour apprendre à l'aimer. Comme toute conversion, ça passe par des étapes d'aliénation.
 C'est une conversion individuelle et communautaire. Comme peut-être tout chant pratiqué en communauté d'ailleurs. Aliénant, identifiant et sacralisant.

 Si les rubriques (y compris depuis Vatican II) insistent tellement sur l'importance du chant grégorien, c'est qu'on ne doit pas en chanter beaucoup et qu'on doit l'éviter un peu partout. C'est comme pour la danse dans l'Eglise, qu'on n'arrêtait pas d'interdire dans les rubriques: C'est que ça dansait. Et comment.
 Peut être que Rome devrait interdire le chant grégorien, pour qu'on ait envie de le pratiquer en cachette avec d'autant plus de ferveur que c'est interdit.
 Certains fidèles doivent se dire que c'est mon cas, que je le pratique juste parce que les rubriques l'interdisent, et que je ne veux pas faire comme tout le monde. Hélas, là c'est dans l'autre sens: les rubriques le recommandent vivement, mais personne ne s'y tient et si toi tu t'y tiens, tu te particularises par rapport aux autres: Tu as l'air de faire ce que tu veux.

 Alors que c'est eux qui font ce qu'ils veulent. Alors que c'est toute l'église de France pratiquement qui fait ce qu'elle veut. Qui veut être église catholique française (autrefois on aurait dit gallicane ou néogallicane. La néogallicane, posons le comme thèse, c'est l'église qui a mené la France droit dans la révolution... pour certains, donc, elle a bien fait) avant d'être romaine.
 On va croire que je suis royaliste. (A cause de la thèse qui vient d'être promulguée dans l'autre parenthèse... mais j'aimerais bien en rajouter une autre: Je suis convaincu que Mai 68 n'aurait pas été possible sans Vatican II... pour certains, donc, c'est bien fait)  Mais non, en tant que luxembourgeois, je suis granduciste. C'est obligé. Je ne vais quand même pas trahir mon souverain? Et je comprends que les français ne peuvent pas trahir leur république. Pourtant nos deux pays (avec d'autres, bien entendus... :-)... ) ne forment qu'une seule Europe. Ce n'est donc pas si incompatible que ça... Quel est leur plage commune, sinon le fait des constitutions qui évitent la dictature ou la terreur de l'un et de l'autre, même si au passage de l'un à l'autre, il y a toujours des phénomènes terrifiants et dictatoriaux. La constitution, un texte référentiel. Un peu comme les documents de Vatican II qu'on ferait mieux de respecter un peu mieux peut-être, pour ne pas déborder... en terreur pastorale.
 On va croire que je suis contre Mai 68. (A cause de la thèse de la parenthèse qui précède) Je suis convaincu qu'en 68, en tant qu'étudiant j'aurai couru avec les étudiants, en tant que patron bourgeois, je serai resté assis avec les patrons bourgeois, et avec les ouvriers j'aurai travaillé comme ouvrier. J'aurai profité comme tout le monde de ce qui libérait et je me serai plaint comme tout le monde de tout ce qui se perdait comme valeur et référence...
 Ce qui, après coup ne devrait pas nous empêcher de faire le tri, au lieu de rester camper dans des vieux camps devenus dérisoires. Faire le tri demanderait un véritable travail sur les valeurs et les références dont nous serions dispensés, si nous restons cramponnés dans des camps idéologiques, intégristes, nostalgiques d'un avant ou d'un après.
 Pour faire ce travail au niveau de l'Eglise, nous avons deux critères très clairs, relatés au début de la constitution de la liturgie, ou à la fin de la présentation générale du missel: Il faut que les réformes se forment quasi organiquement de la pratique d'avant (fil rouge de la tradition avec grand T, si on veut: la Tradition) et qu'elles portent des fruits pastoraux. (Les fruits pastoraux, c'est le maintien, l'augmentation et la transmission de la foi, ce sont des conversions, et c'est de la pratique religieuse en acte liturgique, en acte charitable, en richesse et beauté des communautés et de ce qu'elles font, en floraison et fructification des activités chrétiennes: Voyez comme ils sont unis et s'aiment. Nous savons tous la pente qu'a pris la pratique religieuse depuis qu'elle se réfère -juste deux exemples symptomatiques et sensibles, exemplaires et révélateurs- pour ce qui est de son chant, au chant de la radio et de la télé, du théâtre et de "ce" monde, chant entraînant, swinguant, de danse ou de boîte de nuit, et pour sa liturgie à ce qui se voit en spectacle de one-man-show en prestation de vis-à-vis (scolaire, magistral ou divertimental) à la télé ou ailleurs.

Publié dans chant grégorien

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